L’automne dernier, des enseignants-chercheurs impliqués dans un large projet Européen (J.Dixon et collaborateurs, dont S.Tubert-Jeannin, V.Roger-Leroi & S Vital) publiaient une enquête sur la formation des chirurgiens-dentistes en Europe1,2. L’enquête est disponible en ligne et s’intitule O-HEALTH-EDU: Aperçu de l’état actuel de la formation des professionnels de la santé orale en Europe

Le Pr Tubert-Jeannin (Département de santé publique orale, Université Clermont Auvergne, France), coordinatrice du projet, nous présente l’intérêt de cette étude.

1.Quelles sont les grandes conclusions de votre étude, la plus récente en Europe en son genre?

J’en vois trois.

Premièrement, dépasser les idées-reçues.

Cette enquête qui concerne la période 2019-2023 a permis de récolter des données objectives, actualisées et lisibles sur la formation des professionnels de la santé orale (bucco-dentaire) en Europe. À ma connaissance, c’est la première fois qu’est dressé un tableau aussi complet de l’état actuel de la formation en Europe, pour les chirurgiens-dentistes mais aussi pour d’autres professionnels de la santé orale. 

Deuxièmement, mettre en avant la dynamique existante

L’enquête établit un engagement des universités pour la modernisation de la formation des professionnels de la santé orale. Par exemple, 20% des répondants déclarent fonder leur programme de formation sur une approche intégrée, préparant à l’acquisition de compétences professionnelles attendues. 

Nous avons eu aussi le plaisir de découvrir que 35% des facultés initiaient les futurs professionnels à la recherche et que 45% d’entre elles mettaient en place des activités pour développer les relations interprofessionnelles, que ce soit au sein du cabinet dentaire ou en lien avec d’autres professions de santé.

Troisièmement, étudier la diversité des pratiques de formation

L’autonomie universitaire aboutit forcément à des variations tant au sein des pays qu’au niveau Européen où près de 200 écoles dentaires existent. Ces différences concernent par exemple le mode recrutement (post BAC ou après une formation universitaire), les possibilités d’échanges internationaux lors des études, ou encore l’année  à partir de laquelle l’étudiant a une activité clinique. 

Ce qui nous a frappé à la lecture de ces données est que ces variations indéniables, restent traversées par une adhésion forte (60%) aux lignes directrices du « profil de compétence du diplômé européen en médecine bucco-dentaire (en anglais : The Graduating European Dentist), qui estun cadre européen très précis, développé par l’ADEE (Association for Dental Education in Europe) pour établir un programme de formation initiale le plus complet.

2.Quels obstacles avez-vous dû lever pour mener votre étude?

On peut en énumérer au moins deux, communs dès qu’il s’agit de mener une enquête à l’échelle européenne.

La première difficulté a été celle du langage.

Oscar Wilde disait que la principale différence entre l’Angleterre et les Etats-Unis est la langue. Dans une région où cohabite plus d’une vingtaine de langues, il nous a fallu surmonter les différences de définition et de compréhension en rédigeant un glossaire pédagogique commun3, admis et compréhensible pour tous. Cela a été une des grandes réalisations du projet O-Health-Edu qui intègre d’ailleurs d’autres volets comme la publication d’une vision pour le futur de la formation en Europe4.

La seconde difficulté est celle du nombre de répondants

En effet, le taux de réponse à une enquête est un élément majeur de qualité. Nous souhaitons bien sûr à l’avenir que le nombre de répondants augmente de façon à disposer d’une cartographie complète des formations. Cette cartographie est mise à disposition sur le site de O-Health-Edu.

3.Et après ? Quelle suite pour O-Health-Edu?

L’enquête fait partie d’un vaste projet de partenariat à l’échelle européenne. Il a été financé par le programme Erasmus pour la période 2019 à 2023, et a été mené à son terme. Maintenant c’est  l’ADEE, que la FEDCAR connaît bien, qui va prendre la suite. Il s’agira de s’appuyer sur l’infrastructure mise en place par l’enquête pour continuer le recueil des données. 

En effet, notre enquête n’est pas destinée à être archivée et ne plus jamais être renouvelée. Au contraire, cette base de données sera mise à jour pour alimenter les décisions des pouvoirs publics ainsi que les réflexions académiques sur la formation des professionnels de la santé orale.

(Ajout en mars 2024 : la Commission vient de communiquer aux Etats sa proposition de réaliser à l’avenir des diplômes européens communs, voir ici en anglais)

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  1. Dixon J, Field J, Vital S, van Harten M, Roger-Leroi V, Davies J, Manzanares-Cespedes MC, Akota I, Murphy D, Paganelli C, Gerber G, Quinn B, Tubert-Jeannin S. O-HEALTH-EDU: A viewpoint into the current state of Oral Health Professional education in Europe: Part 1: Programme-level data. Eur J Dent Educ. 2024 Jan 8. doi: 10.1111/eje.12989. Epub ahead of print. PMID: 38186364.
  1. Dixon J, Tubert-Jeannin S, Davies J, van Harten M, Roger-Leroi V, Vital S, Paganelli C, Akota I, Manzanares-Cespedes MC, Murphy D, Gerber G, Quinn B, Field J. O-Health-Edu: A viewpoint into the current state of oral health professional education in Europe: Part 2: Curriculum structure, facilities, staffing and quality assurance. Eur J Dent Educ. 2024 Jan 22. doi: 10.1111/eje.12987. Epub ahead of print. PMID: 38258340.
  1. Davies JR, Field J, Dixon J, Manzanares-Cespedes MC, Vital S, Paganelli C, Akota I, Quinn B, Roger-Leroi V, Murphy D, Gerber G, Tubert-Jeannin S. ARTICULATE: A European glossary of terms used in oral health professional education. Eur J Dent Educ. 2023 May;27(2):209-222. doi: 10.1111/eje.12794. Epub 2022 Mar 8. PMID: 35224823.
  1. 4-Field J, Dixon J, Davies J, Quinn B, Murphy D, Vital S, Paganelli C, Akota I, Gerber G, Roger-Leroi V, Manzanares-Cespedes MC, Tubert-Jeannin S. O-Health-Edu: A vision for oral health professional education in Europe. Eur J Dent Educ. 2023 May;27(2):382-387.